OYA
OYA : Portrait
Oya, le sourire en vadrouille !
Comment peut-on expliquer l'envie de voyager d'une franco-américaine ? Par ses gênes, peut-être ? Avec une mère d’origine méditerranéenne passionnée par les raids/treck motos dans les déserts d’Afrique et d’Amérique latine, et un père bourguignon dont la carrière était internationale.
Oya, native des États-Unis, n’oublie pas la France ; elle séjourne également au Mexique, puis à New-York, pour revenir dans l’Hexagone, afin de poursuivre des études supérieures. Après le passage du baccalauréat, elle effectue un DUT en information et communication, option Livre et Patrimoine. Cela lui offre l’opportunité de réaliser un stage à Chicago ainsi qu’une mission humanitaire au Mali. Quand on a la bougeotte…
DUT en poche, Oya fait connaissance avec la Région Aquitaine… Bordeaux, Pessac… afin de préparer par alternance une licence en Librairie. Elle décroche un CDI dans une librairie américaine implantée à Paris, puis décide de partir en sac à dos en Amérique latine pendant trois mois. La découverte des gens et des paysages impactera honorablement sa perception de la vie. Dans la foulée, elle se rend en Inde, où elle assiste au mariage d’une de ses amies et où elle se forme au massage ayurdévique. Elle découvre également le Rajasthan.
Les années passent… On est déjà en 2010, année qui voit la consécration de nouvelles études par le biais de l’équivalence : Bachelor en tourisme et management de projets touristiques à Lyon. Cette formation en alternance lui permet de goûter au monde de la restauration brasserie gastronomique de Georges Blanc.
Puis Oya bouge encore… Cette fois, elle part cinq mois en Nouvelle-Zélande, puis à Madagascar où elle devient gérante d’un éco-logde (BushHouse) sur le canal des Pangalanes. L’isolement et le jeune âge ne lui permettront pas de poursuivre ce travail, aussi rentre-t-elle en France.
La jeune aventurière décroche un emploi de réceptionniste en Haute-Savoie, à Mégève, au sein d’un hôtel 5 étoiles, puis rejoint son compagnon à Nîmes pour y occuper un emploi similaire, tout en assurant la formation d’élèves hôteliers.
En 2013, l’Australie frappe à sa porte : elle y passera sept mois, avant de rendre visite à plusieurs amis en Nouvelle-Zélande et en Polynésie française.
C’est alors que son rêve canadien surgit : elle découvre Vancouver Island, en tombe amoureuse ! Rapidement, elle partage une maison en colocation et décroche un CDI en tant qu’assistante manager... Pour des raisons de visa, elle quitte à regret ce magnifique pays et traverse la frontière américaine grâce à son passeport américain qui lui permet de se poser pendant plus de dix-huit mois.
En 2015, le mal du pays et le manque de ses proches se font sentir : Oya décide de rentrer en France, chez ses parents. Alors, Oya sort une grande carte de France, l’étale au sol, et observe les endroits où elle se sentirait bien. Son regard se porte sur les côtes maritimes, l’océan Atlantique… La Bretagne devient sa nouvelle destination ! Le sac à dos est rempli, le billet d’avion acquis, la voiture louée, le plein de CV en poche… et la voilà partie à Nantes, d’où elle remonte la côte en suivant un itinéraire d’offres d’emploi. Réceptionniste puis maraîchère dans le Finistère, elle migre vers les Côtes d’Armor par amour et adopte cette région dans son cœur instantanément…
En 2018, Oya passe son brevet d’éducateur comportementaliste canin en Vendée puis rentre dans les Cévennes chez sa mère. Des projets mûrissent : trouver un corps de ferme à rénover pour en faire une pension canine. L’envie de s’enraciner, de se poser, d’essayer de rentrer dans "les cases sociétales" commence à la chatouiller… Après un bref passage à Gaillac, dans le Tarn, elle retourne près de l’océan et “pose ses valises” en 2019 à La Rochelle. Oya décroche un travail en conciergerie pendant toute une saison, achète une maison et enchaîne des postes d'accastillage dans le nautisme, dans la difficile conjoncture de la Covid.
Durant l’été 2021, elle réalise avec sa mère un retour aux sources à Kalymnos, en Grèce. Oya écrit le point final de “CAP !”, recueil de pensées qu’elle s’était mise en tête de terminer en 2022. Elle s’accroche à ce projet qui mûrissait depuis des années et se décide à le proposer à des maisons d’édition, dont Edi’lybris.
Intégrée à la vie rochelaise et “posée”, Oya peut se consacrer à son projet d’écriture”. Le comité de lecture d’Edi’lybris s’est prononcé favorablement. Cap ! verra le jour d’ici quelques semaines… Oya est ravie ! Et Edi’Lybris aussi ! Gageons que le lecteur partagera ce bonheur !
CAP !
Certains voyages invitent leurs bénéficiaires à décrire les paysages et les spécificités locales. Le chemin qu’emprunte Oya conduit le lecteur dans une démarche introspective : ainsi, son ressenti et les différentes situations vécues servent de métaphore à son quotidien de baroudeuse.
L’Inde, Madagascar, le Mali ou encore la Polynésie peuplent les lignes chargées d’émotion et de vérités, parfois cruelles.
Ces échanges « exotiques » entraînent le lecteur non seulement au coeur de civilisations lointaines, mais conduisent également à une réflexion personnelle. Le monde matérialiste frénétique de l’Europe vaut-il le sacrifice de notre condition humaine ?
Oya, par son rapprochement et son engagement dans le milieu maritime, nous confie une part de réponse qui résonne en nous. Qui raisonne en nous, pourrait-on écrire...
CAP ! Extrait
Navigue et brille
2015
Je ne sais pas d’où me vient cette fascination pour les plumes. Pourquoi pas un oiseau ? Au moins, c’est vivant. La plume suppose la légèreté, mais aussi la force de voler et de protéger l’animal dont elle est prisonnière. À la racine : la base de toutes ces rainures, appelées à devenir le porte-parole de l’écrivain. Symbole de la trace dans le monde de l'Histoire de l’humanité ? Qui aurait pensé qu’une plume servirait d’instrument parfait pour produire des chefs-d’œuvre ?
Apprivoisée par l’Homme au service des arts, de la calligraphie à la littérature en passant par la peinture, la plume est reconnue pour sa parfaite structure. Il en existe des grandes, des petites, de toutes les couleurs. Certaines ne volent jamais, d’autres réchauffent les hivers difficiles. Mais la plume, dans le règne animal, n’a d’importance qu’au sein de ses semblables. Voilà la beauté de son histoire. Quand bien même elle dépend des autres dans sa première vie, elle devient autonome et unique à sa renaissance.
Je cherche en elle une signification comme pour mieux m’identifier à quelque chose qui ne me ressemble pas. Je n’ai pas les traits fins, ni le cœur robuste et translucide. Si j’étais une plume, je serais tombée bien vite de mon oiseau ! Je ne me serai pas accrochée bien longtemps surtout si une deuxième vie est possible. Bien que fidèle à l’animal que j’aurais protégé, j’éprouverais le besoin de me désolidariser et devenir une « plume à part entière ». Quitter mon foyer m'imposait le douloureux fardeau de ne pas retrouver le sentiment soyeux du « duvet » caractérisé par l’union de ma famille.
Je voudrais alors partir à la dérive sur le courant d’une rivière. Je ne crois pas en la réincarnation, mais finalement, ramasser une plume me donnerait une illusion de légèreté. Je me sens, l’espace d’un instant, aussi intouchable, volatile et sauvage qu’un oiseau. En avoir une dans les cheveux m’assure inconsciemment de voler de mes propres ailes.
Tant que je ne trouverai pas d’endroit où me poser, je ne reviendrai pas. Alors, j’attrape mon sac et je pars. Je décolle en compagnie d’un amour mourant dont je n’arrive pas à débrancher le support respiratoire. Cassée et fatiguée, incertaine et malheureuse, je me convaincs que le voyage reste mon seul secours. Acheter un billet pour s’exiler vers un autre horizon, aller voir ailleurs, s’éloigner de ce qui fait mal et oublier. Drogue ou raison de vivre ? Enregistrer son paquetage, attendre dans un aéroport, un tampon de plus sur des pages bien remplies et embarquer : Londres, Paris, New York, Tahiti, Sydney, Bamako, Bombay, Buenos Aires, Vancouver… Musique, mots croisés, coussin fétiche… Rituel perpétuel dont je ne me lasse pas et que je perfectionne. J’anticipe les jambes lourdes, l’insomnie, l’air conditionné, l’ennui, la solitude, le besoin d’écrire. Prendre un avion comme on avale un café, habitude dont on banalise la procédure : on attend, on profite et on repart d’un nouveau pied. Cela est devenu plus commun que fêter mon anniversaire, aller à un concert, passer des vacances entre amis…
Me suis-je infligée cette vie atypique et parfois mal perçue ? En ai-je besoin pour mieux me connaître et comprendre les autres ? Suis-je tombée dans mon propre piège ? Suis-je dans un système de fuite que je ne maîtrise plus ? Une fois installée, si un problème intervient je pense à faire mes cartons, à renvoyer mes affaires en France, à préparer mon prochain départ. Seule subsiste la question : pour où ?
Ma nature est dans le mouvement, au travail, à la maison, dans le sport… je ne m’arrête pas. Quand je me pose, je songe à ce que je vais faire demain, où je vais pouvoir conduire et explorer. Bouger m’empêche de rouiller sur place, permet à l’air de circuler en moi et de me donner de quoi continuer. L’unique moment où je m’impose la quiétude est pour écrire. Pour autant, j’ai l’impression d’avancer.
Les gens m’attribuent une forme d’instabilité ou d’inconscience (ou les deux). Ils pensent que je me voile la face en fuyant mes contrariétés. Mais j’ai une longueur d’avance sur eux. J’ai retourné le problème dans tous les sens, j’ai essayé d’y remédier. J’ai eu une vie confortable à l’image de ce que l’on attendait de moi. J’ai eu les CDI, le mec, l’appartement… et la mort de mon âme. J’ai fait les visites régulières en famille pour les fêtes de fin d’année, les anniversaires et les repas où, au fond de moi, le déclic n’a jamais lieu. Rien, non, rien ne remplace l’oxygène que dégagent le voyage et la rencontre de l’autre, la découverte des secrets bien gardés de la Terre. Rien ne remplace l’intensité des chutes d’Iguazu, les étoiles dans le salar d’Uyuni, les dunes du désert au Mali, la chaleur du sable des côtes d’Australie, l’enchantement des fjords de Nouvelle-Zélande. Je ne contrôle pas le manque, le vide intérieur ressenti quand je ne suis pas en mouvement. Je trouve du confort dans la stabilité, à condition ne pas y rester longtemps. Tant que je prévois dans le temps une issue, une échappatoire, une porte de secours, un plan B, je profite de la vie de monsieur Tout-le-Monde : maison, travail, chien, sport.
Quand le soir vient, je rêve de la prochaine destination listée « à voir avant de mourir ». Comme un puzzle à peine sorti de sa boîte, je commence par les contours, les frontières déjà connues et jubile à l’idée de trouver les pièces manquantes.
Dans ce mouvement constant apparaît une contradiction : le besoin de stabilité, l’envie de partager et de procréer. J'ai récemment développé un certain goût pour la réparation et le travail manuel en tout genre. En pratiquant le bricolage, je comprends comment fonctionne mon environnement.
En créant de mes propres mains, je fais travailler mon imagination et élargis mes connaissances sur les nécessités de la vie (bâtir une maison, clôturer, planter des arbres fruitiers, des légumes…) Pourtant, toutes ces nouvelles aspirations demandent du temps et un espace dans lequel évoluer et donc, une supposée sédentarité. Malgré moi, j’achète une perceuse et un marteau tout en anticipant sur la manière de m’en débarrasser quand je devrai préparer mon sac. De quoi ai-je peur ? De me priver de ma liberté ? De s'alourdir au point de ne plus pouvoir reprendre mon envol ? Peut-être ne suis-je pas encore au bon endroit pour m'enraciner et construire enfin quelque chose qui m'appartiendra.
Dans le fond, ma vie suscite généralement deux types de réactions : l’admiration pour le courage et la jalousie de vouloir faire pareil ; ou alors, la critique et le jugement qui sous-entendent mon insatisfaction permanente et entraîne la culpabilité de ne pas être parmi les miens (à ma soi-disant place). Dans les deux cas, je maintiens le cap. Je continue mon chemin en espérant avoir raison, en écoutant mon instinct me permettant de supporter mon reflet dans le miroir. Lui sait où aller chercher la joie et comment nourrir mon âme. Acquérir résilience et résistance pour obtenir les clés d’une future paix intérieure. Je crois en ma maladie, ma drogue, mon addiction, ma spécialité, mon domaine de prédilection, ma passion, mon oxygène. Naviguer et briller est ce que je fais de mieux, mais je dois m’assurer de trouver en moi la sagesse de marquer des temps de pause… un quelconque enracinement. Les oiseaux n’ont-ils pas tous besoin de la Terre pour reposer leurs ailes ?
La bienveillance des mots vient parfois des gens qui nous sont étrangers et donc plus objectifs : la coiffeuse, la serveuse d’un café, la banquière… Toutes ces rencontres fortuites m’apportent la force nécessaire pour ne pas perdre le cap après neuf heures de route. Tous ces gens font partie de mon quotidien, j’aimerais tant leur parler comme à un proche pour les prendre dans mes bras.
Le courage, on se le forge par obligation. Dormir seule dans sa voiture et ne pas se laisser manger par la peur, l’insécurité, l’ennui, la solitude. Partir sur une randonnée sans chien ni guide et faire confiance à son instinct, à son seuil de tolérance au risque. Mesurer le danger, lister les paramètres et facteurs qui potentiellement pourraient mal tourner et mettre ma vie en péril, savoir différencier l’exagération de l’esprit et sa fantastique capacité à imaginer la réalité des faits. Avoir le goût de l’aventure et “hope for the best” (espérer que tout se passe bien). Chaque opportunité saisie offre l’occasion de faire une rencontre (humaine ou animale) imprévue qui pourrait changer le reste de mon parcours ou de mon existence.
L’excitation d’un voyage est irremplaçable. Quand je vois des amis sur le départ, je les jalouse comme si cela ne m’était jamais arrivé. Lister les indispensables de la baroude : jeter, vendre, brader, donner, s’en tenir à l’essentiel. Trier ce que l’on a accumulé, retrouver des dessins perdus, choisir le nombre de chaussettes, mettre de côté une pile pratique et à caser dans un coin du sac : PQ, pinces à linge, corde, lampe frontale, batteries, couteau, sachet poubelle, mouchoirs… Cocher ce dont on doit s’occuper impérativement avant l’embarquement, décompter les jours, trouver le temps de voir les amis et la famille. Il n’y a rien de plus jouissif que de lire le Lonely Planet de sa prochaine destination avant de se coucher et de savoir qu’inévitablement, rien ne sera comme on se l’imagine.
Deux ans de périples plus tard… on n’a qu’une envie : poser sa brosse à dents au même endroit deux soirs d’affilée, comme dirait une de mes amies globetrotteuses. Plier ses vêtements et les ranger dans un placard, avoir des cintres, un coin dans la salle de bain où laisser sa trousse de toilette toute la journée, aller aux W.C. sans inspecter son siège, détenir des clés !!! Avoir une adresse, quelque part où rentrer le soir, déguster sa tasse de thé, se glisser dans ses draps…
Ma vie se forge de paradoxes et de contradictions, ça la rend plus complète, plus énigmatique à la fois… Plus difficile à partager pleinement aussi.
OYA : L'interview
Monica : Je vois arriver Aurélia juchée sur son vélo, cheveux au vent et sourire aux lèvres, pétillante comme toujours. Malgré la lourdeur du temps, pas question de prendre la voiture. Cette bénévole de l'association Echo-Mer ne déroge pas à ses principes.
— Bonjour, Aurélia ! Un grand verre d'eau s'impose, je crois ! Je suis ravie de papoter avec toi. Cela nous permet de faire plus ample connaissance. Merci de m'avoir appelé quand tu avais besoin de précisions sur l'association Edi'lybris. Nous n'avons pas eu l'occasion de nous rencontrer souvent.
— Oui, c'est vrai. Nous nous sommes croisées lors de quelques opérations « épuise ton déchet » à Echo-Mer. Il y a peu de temps que je vis sur La Rochelle, entre le monde et les disponibilités de chacun, nous n’avons pas eu cette chance.
— Comment en es-tu venue à parler d'Edi’lybris avec David ?
— Bénévole à Echo-Mer depuis un an et demie, je suis devenue amie avec David. Il m'a parlé de son recueil que vous avez édité.
— Et toi, tu étais en train d'écrire à ce moment-là ?
— Cela fait onze ans que ce livre est en cours ; je l'ai finalisé très récemment. Donc, j'étais heureuse de savoir où m'adresser sans chercher ni galérer avec différents éditeurs.
— C'est incroyable tous ces chemins qui se croisent ! Il n'y a pas de hasard, nos idées nous rapprochent. Parle-moi de ton ouvrage ! Comment en es-tu venue à écrire et pourquoi ?
— Comme je l’ai dit, cela fait onze ans que je suis dessus. Ma mère m'avait acheté un carnet de bord à l'époque de ma sixième, à la base il me servait de journal intime. Et puis, j'ai grandi et beaucoup voyagé, alors ce journal est devenu un carnet de voyages. J'ai un carton entier de feuillets et de carnets de bord. J'ai toujours écrit en fait. À quatorze ans, un petit roman est né de mon imagination avec des illustrations de mon amie d'enfance. Il s'intitulait « Les vallées du Montana ». C'était un roman un peu à l'eau de rose... C'est trop drôle lorsque je le relis aujourd'hui.
Nous rions toutes les deux à l'évocation de ces écrits d'enfance qui ont jalonné son histoire.
— Et donc, ces carnets de bord, tu as voulu les rassembler peut-être ?
— Certains pour moi avaient de l'importance. Il était intéressant de les mettre en corrélation avec d'autres textes rédigés quatre ou cinq ans auparavant, voire des années après. Je leur ai trouvé finalement un lien et leur ai donné un certaine cohérence. Du coup, petit à petit, c'est resté. Tous les deux ou trois ans, je disais « ça y est, je le fais, je termine ». Par la force des choses, les emplois divers, les amours, tu mets de côté parce que ça n'est pas une priorité. On te fait comprendre aussi que ce n'est pas cela qui remplit ton frigo et paye tes factures. C'est pourquoi j'ai pris tout ce temps.
— Donc, tu classerais cet ouvrage comme un roman, une autobiographie peut-être ?
— Il s’agit plutôt d’un recueil de textes de voyages regroupant des anecdotes, des rencontres, des histoires. Avec un caractère un peu autobiographique, sans être linéaire. On ne part pas de mon âge zéro à aujourd'hui.
— Des petites nouvelles, en somme !
— C'est organisé en thématiques avec un sujet à chaque chapitre qui va me parler. Je vais mettre dans ces chapitres plusieurs textes, avec six ou sept ans d'écart. Pas forcément dans les mêmes pays, mais ce sont des choses qui pour moi ont un lien commun. C'est la cohérence que j'ai souhaité apporter. Ce livre fera cent cinquante pages environ.
— Ah oui, c'est pas mal. Mais comment as-tu atterri à La Rochelle ?
— En 2015, je suis rentrée en France pour voir ma famille et mes amis. Je devais repartir au Canada, mais j'ai décidé de rester.
— Tu es une grande bourlingueuse finalement ?
— Oui ! Mais là j'ai décidé de m'arrêter. Je me suis achetée une maison il y a deux ans, dans une ville que j'aime particulièrement et ceci de manière durable. J'avais vraiment besoin de me poser. Dernière escale à La Rochelle. Après être passée par la Bretagne, le Tarn et au fur et à mesure des rencontres et des activités professionnelles, je me suis amarrée à La Rochelle. On m'en avait beaucoup parlé en bien, j'y étais venue plusieurs fois, j'ai trouvé cette ville à ma taille. L'océan est essentiel pour moi. Donc, ça me convenait plutôt bien.
— Ton origine se trouve où à la base ?
— Mon père est Bourguignon et ma mère de la région Paca. Mon père est décédé et ma mère aujourd'hui habite dans les Cévennes.
— Tu as toujours aimé voyager en fait !
— Moi j'ai grandi en voyageant. Mon enfance est à l'étranger plus qu'en France (Ohio, Italie, Mexique, New York…).
— Pour le travail de tes parents ?
— Oui, de mon père. Cela nous a permis à mon frère et à moi d'être trilingue. Depuis, j'ai gardé la fibre du voyage et c'est ainsi que j'ai eu envie de continuer.
— Tu as eu des connaissances multiples et en tous genres finalement !
— Oui ! Socialement, culturellement, c'est devenu un état d'esprit avant tout et dans l'absolu.
— Parlons un peu de l'accueil reçu auprès du comité de lecture d’Edi’lybris. Qu'en as-tu pensé ?
— J'ai été extrêmement émue, c'était un moment très touchant. Je l’ai vécu un peu comme un artiste qui montre ses toiles. Ce retour sur une mise à nu était voulu mais pas forcément très simple.
— Pourquoi ?
— Pour la plupart, les retours ont été positifs et/ou constructifs dans leurs remarques, mais bonnes appréciations dans l'ensemble. Déjà, ça fait énormément de bien. Petite, j'ai toujours un peu été taquinée voire critiquée ou repoussée dans mes retranchements par rapport à l'expression orale ou écrite.
— Ah bon ? Mais pourquoi ces critiques ?
— Parce que j’étais “brouillon”, parce que je “fatigue”avec mon débit et parce que j'ai une réputation de pipelette. Voilà, on me pose une question, je mets trois plombes pour y répondre, ayant toujours dix mille explications.
— Au moins, c'est vivant quand tu parles.
— Oui, mais ces critiques ont été un fil rouge qui ne m'a pas aidé dans la confiance en moi.
— D'où tes craintes sur ton ouvrage.
— Effectivement. Mais ce retour m'a convaincue que c'était quelque chose qu'il fallait que je mène vraiment jusqu'au bout ; je ne savais pas ce que valait mon écriture. En 2013, j'ai envoyé un écrit qui s'appelle « Le paquet de mouchoirs » à deux auteurs professionnels en leur demandant de bien vouloir me faire un retour sur le contenu. Ils ont eu la gentillesse de me répondre d'une manière tout à fait unanime et unilatérale.
— Donc, ils t'ont motivée à persévérer !
— C'est resté dans un petit coin de ma tête et c'est ce qui m'a permis d'aller au bout.
— Et le comité de lecture t'a convaincue, en somme !
— Je suis ressortie de mon rendez-vous avec Pierre avec une impression de toute puissance. Je pouvais déplacer des montagnes.
— Tu étais gonflée de motivation, de confiance en toi, ce qui te manquait tout simplement.
— J'étais euphorique. Cela m'a fait un bien fou.
— Avais-tu déjà l'idée de faire un ouvrage de tes textes ?
— C'était un peu simultané. Dans tous les cas, c'est devenu pour moi une habitude d’écrire pendant mes voyages. Il fallait que je mette en commun et en forme un certain nombre de mes textes.
— Il y en a beaucoup ?
— Clairement, ça ferait six tonnes (dit-elle en riant). Il fallait que je trouve un pont, un lien. Dans tous les cas, j'écris. J'écris pour moi, j'écris par besoin et sur tout.
— L'esprit que tu mets dans cet ouvrage est positif, j'imagine ! Ils incitent au voyage ?
— Oui et non. Certaines expériences dans ce livre ne sont pas forcément positives, mais elles sont constructives. L'intérêt pour moi est de partager cette expérience, ces rencontres. C'est de se dire à un moment donné, "quelque chose m'a touché, ému et fortement marqué."
— En tout cas, cela a suscité une réflexion !
— J'en ai tiré un enseignement et je me suis dit qu'il était intéressant de l'écrire.
— Et donc, de le transmettre.
— Pour moi, c'est aussi inviter à davantage être à l'écoute de personnages aussi différents les uns des autres. L'attention que l'on porte à son environnement, que ce soit la nature les humains, peu importe. Se dire que l'on peut tirer des enseignements et avoir cette curiosité d'être à l'écoute de soi mais aussi des autres.
— Sais-tu quelle couverture sera utilisée pour ton recueil ?
— Bien sûr, c'est même validé.
— Déjà ? C'est quoi, tu m'expliques ?
— J'ai l'immense plaisir et honneur d'avoir la plume et les talents de dessin de mon amie d'enfance. Marion Alesi a réalisé un magnifique faucon, sous forme de traits à l'encre de Chine et sur un fond couleur turquoise.
— Pourquoi un faucon ?— Premièrement, le titre est CAP (cap ou pas cap) comme le cap de la destination. Vient alors se mettre en parallèle, ma passion dès le plus jeune âge qui est la plume.
(Devant mon air étonné, elle m’explique) :
— D'abord, parce que j'aime les plumes et que je les collectionnais. Ensuite, parce que j'ai une passion pour la calligraphie. Inévitablement, c'est un objet qui me parle. Le lien de tout ça, c'est l'oiseau qui prend son envol, fait cap sur une destination, sort de sa zone de confort, se pose, prend sa liberté et le courage d'écrire un livre. C'est aussi un symbole plus personnel en hommage à mon père.
(Effectivement, je comprends mieux la cohérence dans son ensemble. Elle me montre le dessin de Marion et j'adhère complètement. C'est beau et simple à la fois, mais tout y est.)
— Pourquoi OYA ?
— Il est le début et la fin de mon prénom Aurélia et un surnom donné ici à La Rochelle.
— Ah OK, c'est donc toi OYA !
— En effet, un des membres d’une des associations dont je fais partie n'arrivait pas à retenir mon prénom. Au cours d'une navigation entre membres de l'association, ils ont trouvé “OYA” plus simple. Cela devait rester une boutade, mais au fond il me correspond bien. Ce pseudonyme me convient, car dans ce livre, il y a beaucoup de mon intimité. J'assume tout ce que je fais, je n'ai pas honte de mon livre, c'est plutôt pour préserver la sensibilité de mes proches qui pourraient se sentir exposés au regard de certains textes.
— C'est pourtant un texte qui ne concerne que toi et tes ressentis...
— J'ai envie de les protéger, ou bien de me protéger, moi. Il est d'ailleurs paradoxal de penser que si cela avait été un roman fictif, ça ne posait aucun problème.
— As-tu un message à l'attention de tes futurs lecteurs ?
— Mon message est de conserver un regard sur tout ce qui nous entoure. Plus on est attentif à notre environnement, plus on va développer une sensibilité et avoir ce côté un peu "engagé" sur la protection de tout ce qui est, à mes yeux, essentiel. Il faut avoir la conviction que le moindre regard ou geste, peut faire la différence.
— C'est une philosophie de vie, en somme.
— C'est exactement l'état d'esprit que j'ai et que je souhaite transmettre. Je ne dis pas que les gens vont avoir une révélation, ce n'est pas non plus l'objet. Mais si je peux apporter ma toute petite pierre à l'édifice afin de favoriser cet état d'esprit, alors j'en serai heureuse.
— As-tu d'autres projets d'écriture en route ?
— Je suis consciente que ça m'invitera probablement à continuer... Écrire, je le fais en permanence. Je suis plutôt confiante sur le fait que je renouvellerai l'expérience. Pour l'instant, ça me fait un bien fou. J'adore ça. Et retravailler mes textes avec des personnes comme Pierre ou d'autres membres de l'association Edi'lybris m'enrichit énormément. J'ai l'impression d'améliorer mon écriture et c'est une expérience humaine intéressante. Clairement, c'est un événement qui portera ses fruits. Pour mes futurs lecteurs, j'espère que cette invitation au voyage sera une belle découverte et qu'ils en garderont un bon souvenir.
— Merci Aurélia pour cette belle rencontre.
— Merci aussi Monica et merci Edil'ybris.
Date de dernière mise à jour : 06/01/2023